L’illectronisme : nouveau mot pour nouveau mal français ?
Littéralement, l’illectronisme se définit par une « incapacité à se servir d’appareils numériques de façon autonome. » Sociologiquement, cet « illettrisme digital » se traduit par 12 millions de français touchés par ce mal de l’ère du tout numérisé. Soit 1 personne sur 6 chaque jour tout autour de nous, réparties dans différentes franges de notre société. Mais ici ensemble, pas de cliché ! Ni raccourci ! Face à l’un des maux nouveaux à connaître et intégrer dans son vocabulaire en 2023.
« Pourquoi ce peuple vif, généreux, doué, fournit-il si souvent le spectacle de ses divisions et de son impuissance ? »
C’est autour de ce postula « façon » question, que s’ouvre l’essai « Le mal français » du politique et membre de l’Académie Française Alain Peyrefitte. Une locution tombée dans le domaine de l’expression, pour un ouvrage libéral paru en 1976 et écoulé à un million d’exemplaires depuis.
Je te dirais les maux bleus… blancs, rouges
Dans les grandes lignes, le livre s’articule autour du ressentiment fort de l’ex-ministre de De Gaulle et Pompidou à ce moment, à l’encontre de différents fonctionnements bureaucratiques, étatiques et surtout dogmatiques dans notre bon vieux pays.
Des « problèmes » décrits comme très français, pour un mal visible au travers d’une centralisation très importante à Paris, des démarches administratives de toutes sortes souvent longues et fastidieuses, ou encore un État manquant de confiance dans l’entrepreneuriat et ses politiques inhérentes. Cela en tout cas au crépuscule couchant des 30 Glorieuses, comme à celui naissant d'un échiquier mondialisé autour de jeunes rois à peine encore couronnés.
La « fracture numérique » : un mal… devenu mondial
Et 47 ans plus tard, imbriqué à ce possible « mal français » encore ressenti ici ou là lors de moments empreints d'Histoire et de Symbole #SoftPower, il semble qu’une nouvelle « fracture » numérique cette fois, soit venue s’ajouter voire « mater » différentes populations. Cela à l’intérieur de l’échiquier mondial, européen comme tricolore.
En effet, selon une étude publiée fin juin par l’Insee, aujourd’hui sur notre territoire, 15,4 % des 15 ans et plus vivraient avec tout ou partie d’une incapacité à être autonome face au numérique. Une réalité nouvellement appelée « illectronisme » donc, pour un pourcentage qui - rapporté à notre banc entier - représente un large filet de 11 à 13 millions de français à ramener près des bords de la modernité. Un travail de fond à prévoir, sachant que la moitié d’entre eux vivent tout bonnement sans accès à internet ni smartphone. Soit 7% de notre population de plus de 15 ans. Les seniors de 75 ans et plus étant comme indiqués ci-après, les plus concernés par ce sujet avec 62% d’entre-eux…
Ainsi, l’étude permet de dessiner les autres portraits souffrant des effets du grand bol d’ère du numérique ambiant depuis 30 ans. Un temps suffisant pour donner des fortes migraines à des personnes bien plus jeunes (25% dès 60 ans), actifs, célibataires ou géographiquement plus isolées. De même avec nos moins diplômés ou encore départements et régions d’outre-mer. Le tout, par prolongement pour tous ces gens, accompagné d’une partie de leurs enfants.
Les critères de territoire et catégorie socio-professionnelle complétant donc logiquement le podium des symptômes principaux de l’illectronisme, derrière la non-utilisation d’internet pour / par à peu près 6 millions d’irréductibles français.
Par sa méthodologie, l’étude permet également de cadrer 5 compétences de base à maîtriser pour être considéré comme « autonome » digitalement parlant. À savoir :
« Communication » / « Résolution de problèmes » / « Recherche d’information » / « Utilisation de logiciels » et « Protection de la vie privée » au travers de nos données en ligne. Car comme le dit une expression à toujours avoir à l’esprit : Si c’est gratuit… C’est que c’est vous le
produit !
Une réalité entrainant la « protection de la vie privée » à être pointée comme problème majeur face au digital, avec 31,6% des français de 15 ans et plus concernés par cette inaptitude. Un chiffre qui tombe mais reste conséquent chez les internautes, avec 20,5% d’entre-nous. Soit le quasi même pourcentage (ici 18%) d’internautes français dans l’incapacité - en plus ou à côté - d’utiliser correctement les logiciels de la vie courante. Traitement de texte, boite mail, téléchargement, utilisation d’applications etc… Pour une difficulté qui atteint quasiment 30% dans notre population entière de 15 ans et plus.
Et surtout… N’oubliez pas le .fr !
Un ensemble de « données » expliquant certainement pourquoi, certaines grandes marques se sont mises à ajouter la phrase « sus titrée » à la fin de leurs spots télés. Si l’on vous dit « Olivier » ou « un impact pas plus gros qu’une pièce de 2 euros » par exemple… Vous l’avez ? La protection de leurs données et fichiers qualifiés, comme sinon de possibles arnaques ou sites trompeurs proches de leurs identités, obligeant ces marques (très) grand public à intégrer cette méconnaissance digitale dans leurs plans en 2023.
De communication principalement certes, mais c’est un début ! Logique évidemment face aux pertes possibles en terme d’image, de confiance et bien sûr de finances. Soit le triangle d’or du BtoC !
Enfin, c’est pourquoi nous vous donnions l’oeuvre de Ken Loach « Moi Daniel Blake » comme indice dans notre dernier article autour de notre Saint-Jacques de Corbeil-Essonnes. La fracture numérique étant au coeur de l’histoire quotidienne du héros. Daniel Blake, un menuisier célibataire de 59 ans, au chômage dans la banlieue de Newcastle, ayant travaillé toute sa vie et à la santé fragile… Présenté comme incapable de s’inscrire, créer un compte ou répondre aux démarches administratives en ligne du Pôle-Emploi anglais. Lui qui, n’ayant pas internet chez lui, doit se déplacer jusqu’à leur agence à chaque fois, pour se retrouver (laissé) seul devant un pupitre avec son ordinateur et clavier étrangers. Les employés ayant pour « ordonnance » hiérarchique de ne pas prendre le temps d’en perdre un peu… À essayer de les aider ou les soulager quelques instants devant leur mal profond du digital.
Heureusement pour profils comme Daniel, Jacques ou ceux présentés plus haut, les frémissements d’un possible « Happy End » commencent à se faire sentir ! Et comme souvent concernant les populations en difficulté, c’est du côté de la société civile et de l’associatif qu’il faut aller regarder. Comme à Orléans dans le Loiret, où après 26 ans de lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme dans leur département, le « CRIA 45 » cherche dorénavant à créer son réseau de bénévoles pour animer des ateliers ou accompagner les personnes en situation d’illettrisme digital. Preuve par l’exemple ou rappel, s’il le fallait, qu’aux bonnes échelles et bons endroits où regarder, notre peuple est - depuis toujours- capable d’union, de force, de résilience et même… de proactivité. Quelle vie ! #AllezOnSeBouge