Le film de Jacques demi… retraité, demi-magasinier.
Si vous habitez autour de Corbeil-Essonnes, vous pourrez aller saluer Jacques, un octogénaire célibataire magasinier à mi-temps en supermarché. Soit l’un des 500 000 français de 75 ans et plus devant cumuler retraite et emploi de complément pour (se) vivre décemment.
Il y a 20 ans tout rond, la canicule de 2003 posait devant nous avec effroi une réalité jusqu’alors restée en arrière-boutique : la place réelle comme le rapport de chacun aux personnes dites du « 3ème âge. » Soit une partie « des autres » dont nous vous parlions la semaine passée, comme une frange croissante, importante et même d’avenir de notre population. Des personnes plus diverses que leurs vies ont été riches, pour toutes se retrouver résumées, marquées par un simple trait commun. Lui à reprendre et revoir comme trait d’union ! Entre (toutes) nos générations.
« Je préfère travailler un petit peu et me débrouiller »
À la retraite depuis 15 ans, Jacques est devenu un des visages de cette réalité, au travers de plusieurs mois déjà passés comme magasinier, rayon beauté. Et cela avec un seul bras valide… S’il vous plait !
À 80 ans et avec une allocation mensuelle de 900 euros, ce célibataire voit tous les mois les 2 tiers de sa retraite partir sans un regard avec le loyer. Quant au même endroit, les soucis eux, se sentent plutôt de rester à ses côtés. Certainement pour lui tenir conversation et compagnie ! Quels beaux amis.
Pourtant à l’inverse de ce qu’on pourrait supputer, Jacques n’est aucunement une personne « isolée. » Père et grand-père de famille, c’est aussi par mentalité que l’octogénaire préfère « rempiler » 2 fois par semaine pour 300 euros plutôt que de demander. Comme il le partage à BFMTV « n’est pas facile de dire à ses enfants, et bien écoutez papa il a besoin d’argent… Ça me gêne. Franchement ça me gêne. » Car chez l’octogénaire comme chez nombre de ces retraités ou personnes connaissant de près la précarité, l’estime de soi apparaît comme fondamentale, comme le confirme la FEBEA.
D’autant plus aujourd’hui, où les mots de « charge » pour la famille comme « poids » pour la société peuvent (très) vite arriver. Aussi vite que pour nos générations un beau matin, arrivera dans l’a peu près même nombres de nuits que celles effectuées, de tous nous réveiller marqués d’un trait. Vous l’avez ? Ça y est… Nous sommes tous « âgés » !
Une transposition lointaine pour certains il est vrai, mais à penser ensemble dès aujourd’hui, pour ne pas devoir la panser seul plus tard. Cela en partie face aux prévisions démographiques de notre pays.
En 2070, les personnes « âgées » ça sera nous ! Et on sera beaucoup.
Comme l’Insee l’a fait, prenons ici l’année 2070 pour référence. Selon leur étude auto-corrective de 2023 condensée par Les Echos, cette année là, notre population ne connaitra(it) pas de bond de 8 millions d’habitants comme prédit en 2016, mais une stabilité démographique avec aujourd’hui. Ainsi, lorsque Kylian M’bappé - triple champion du monde et ancien ministre de la jeunesse et des sports - fêtera ses 72 printemps, notre pays sera toujours composé de 68,1 millions de sélectionneurs français. Soit l’exact même nombre avec lequel Didier Deschamps doit composer en 2023.
Cependant à y regarder « d’ici 2070, la pyramide des âges serait fortement modifiée. » Et c’est bien là également notre sujet. En effet, si « le poids de chaque catégorie d’âges rapporté à la population ne change pas par rapport à 2016 », la moitié d’entre nous seulement serait en âge de travailler. Au sens actuel en tout cas, puisque regroupant les
20-64 ans. Cela pendant que dans un même espace-temps « le nombre de 60 ans et moins diminuerait de 5 millions » et que nous, chers 75 ans et plus, serions 5,7 millions… de plus. Pour une espérance de vie moyenne alors de 90 ans chez les Femmes et 87,5 ans chez les Hommes.
Une équation amenant l’économiste à l’OFCE Mathieu Plane à redescendre quelque peu, pour conclure que sans appropriation de ces projections « un ralentissement de la croissance potentielle » serait à prévoir, accompagnée de nouvelles « dépenses liées au vieillissement de notre population. » Faisant certainement passer la barre des retraités actifs, par et pour diverses raisons, de centaines de milliers en France à million(s).
Au revoir Sophie Davant ! Et bonjour aux Jacques de maintenant
Ainsi, au moment du - triste - départ de sa présentatrice star, il semble que l’époque appartienne aux affaires conclues chaque jour autour d’objets d’Art, de meubles récupérés ou lègues familiaux. Mais si le « matériel » y est souvent présenté à raison comme porteur, vecteur ou transmetteur de mémoire… Il apparaît que pour leurs primo-propriétaires, la nôtre nous fasse encore parfois défaut. Pourtant Jacques et les autres, l’art déco, le scandinave années 50, le Formica ou l’argentique… ça les connait ! Puisqu’ils reviennent aux époques et styles qu’ils ont vécus, aimés ou traversés. Alors si vous connaissez un de ces 500 000 français, allez donc leurs poser quelques questions ! Ils seront certainement heureux de pouvoir revivre et partager avec vous leurs jeunes années. D’autant plus, peut-être, autour de semaines passées à 80 ans comme magasinier(s) à mi-temps en supermarché. Même rayon beauté.
Alors comme l’écrivait Nekfeu il y a encore peu, il semble essentiel de tous se rappeler qu’à bien y regarder, « les années passent plus vite que les semaines. » Une pensée à associer ici au fait qu’à part Benjamin Button peut-être… Personne ne naît vieux. Ni boomer d’ailleurs. Voilà pourquoi nous reviendrons la semaine prochaine avec un sujet d’actualité, mêlant cette fois : seniors, actifs, inactifs ou retraités et difficultés « d’accès » à l’ère du numérique. Pour indice, le réalisateur anglais Ken Loach mettait en lumière et beauté cette réalité il y a 8 ans déjà, au travers de son mémorable « Moi Daniel Blake » multi-récompensé.. !