La quête de sens au travail - Partie 1 : du sens commun…
Quand on se pose la question du sens dans le travail ou même du sens que l’on veut donner à sa vie en dehors de la sphère professionnelle, l’éventail des réponses dépasse la simple introspection individuelle. À cette même question, le philosophe, le chef d’entreprise ou le salarié (qu’il soit cadre supérieur ou ouvrier) ou encore l’artisan et celui qui exerce une profession libérale n’apportera pas la même réponse.
La quête du sens dépend, pour chaque individu, de son expérience, de son caractère, de sa culture et de son milieu socio-professionnel.
Le philosophe, lui, renverra versVirgile (Les Géorgiques) pour qui le travail de la terre, quand on en prend soin, est le plus beau qui soit (1) ou vers Aristote qui voit la prise de risque comme une opportunité et non comme une menace, tout attente du risque zéro étant le meilleur gage de l’inertie totale.
On peut également faire parler Montaigne qui précise qu’il vaut mieux se concentrer sur l’action en elle-même que sur l’objectif à atteindre ou encore Spinoza qui affirme qu’être libre, ce n’est pas faire ce que l’on veut mais savoir ce que l’on fait (« comprendre, c’est se libérer »).
D’ailleurs, la notion du « beau geste », de la perfection du mouvement qui détermine la pleine conscience de son acte est finalement la quintessence des « métiers de la main », vers lesquels se tournent nombre d’ex-salariés avides de retrouver du sens après des années de travail en entreprise.
Pour autant doit-on faire des études de philosophie avant de se lancer dans le monde du travail, alors que l’interrogation, légitime, sur le sens de ce que l’on fait, peut (souvent) surgir au cours d’une carrière et non avant qu’elle ne commence ?
La quête de sens reste donc une démarche avant tout individuelle mais elle peut se révéler et s’épanouir au sein d’une entreprise qui aura mis en place des process et des valeurs propices à la démarche : reconnaissance, écoute, définition de valeurs collectives, mission, horizontalité hiérarchique, formation. Inutile de préciser ici que l’installation d’un baby-foot ou d’une machine à café dernier cri ne suffiront jamais à empêcher un salarié de s’ennuyer ou, a contrario, de faire un burn-out.
Néanmoins les entreprises qui se sont emparées sérieusement du sujet ont constaté que leurs performances avaient drastiquement augmenté, c’est donc que cela peut fonctionner et que cela profite (même si ce terme est sujet ici à caution) à tout le monde
A contrario, rien n’oblige les organisations à s’engager dans cette démarche :« Beaucoup d’entreprises se cantonnent aux seules obligations formelles de l’employeur : assurer à ses salariés un revenu stable et des conditions de travail décents. Le salaire reste en effet un élément central delà valeur que l’on donne à son travail, et que ce dernier nous donne en retour.
Car en effet, les secteurs les plus touchés par la grande démission ne sont pas tant ceux qui sont concernés par une perte de sens (comme le service, la santé ou même l’éducation) mais plutôt ceux dans lesquels les conditions de travail et les niveaux de rémunération ne sont plus alignés avec les attentes des travailleurs. »(2)
[ Un sondage montre que près de la moitié des salariés seraient disposés à avoir une rémunération plus faible pour travailler dans une entreprise porteuse de sens, et donc réputée plus motivante. L'enquête mériterait d'être menée aujourd'hui, où le sujet dela rémunération et du partage de la valeur semble redevenir une priorité dans l'opinion publique. ]
Et même si un Steve Jobs (un hard leader par excellence), dans l’exemple que donne Simon Sinek, était suffisamment charismatique pour fédérer ses employés autour d’un projet « plus gros qu’eux-mêmes », même si, dans une étude Deloitte-Viadeo de 2017, 45% des interrogés affirment que « le sens au travail doit être donné par le manager », la mayonnaise ne prendra que si l’ingrédient principal, l’individu, a « ouvert ses chakras ».
(1) Itv de X.Pavie du 20/10/22 in Welcome to the Jungle
(2) Edheconline du 15/09/22
(3) HarvardBusiness Review du 01/09/22